VALENCE



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



VALENCE



VALENCE (Valentia colonia Julia, Valentia Segalaunorum urbs, civitas Valentinorum). - Sur la rive gauche du Rhône, qui en baigne les murs au couchant, et sur la grande route de Lyon à Marseille, qui les longe circulairement au levant, et va traverser le faubourg Saunière au midi, cette ville est à 58 myriamètres (145 lieues de poste) de Paris, 12 myriamètres (27 lieues et demie) de Lyon, 9 myriamètres (20 lieues et demie) de Vienne, 10 myriamètres (23 lieues) de Grenoble, 15 myriamètres (33 lieues) d'Avignon, et 27 myriamètres (60 lieues) de Marseille. Elle est sous le 2° 33' 10'' de longitude à l'est du méridien de Paris, et sous le 44° 55' 59'' de latitude nord. Sa population est de 13,226 individus, y compris le Bourg, où l'on en compte 2,820, et qui fait une commune particulière, quoique renfermée dans la même enceinte.
Valence est dans une situation pittoresque et riante qu'animent et vivifient

Vue de Valence
les eaux majestueuses du Rhône, la navigation du fleuve et le mouvement des diverses routes qui, du Vivarais, d'une part, et des Alpes, de l'autre, viennent s'unir et se confondre sur ce point avec la grande route du midi, l'une des plus importantes et des plus fréquentées du royaume.
On y commerce en grains, vins, eaux-de-vie, liqueurs, épiceries, draperies, coutellerie, orfévrerie, ébénisterie, chapélerie. On y fait des indiennes et des mouchoirs imprimés ; il y a des fabriques d'ouvraison de la soie, de ganterie, de bas et de bonneterie, deux brasseries, une fabrique de vermicelle, une filature de coton, des teintureries, des tanneries, des corderies, des scieries de marbre, des fours à chaux, tuiles et briques, et un nombre assez considérable d'ateliers de charronnage. Il s'y tient quatre foires par an et un marché le lundi et le jeudi de chaque semaine, outre un marché aux herbes qui a lieu tous les matins sur la place Saint-Jean.
Avant la révolution de 1789, Valence était le siége d'un présidial, d'une sénéchaussée, d'un bailliage épiscopal, d'une élection et d'une commission extraordinaire du conseil chargée de connaître des délits de contrebande ; elle avait pour ressort toutes les provinces méridionales. Il y avait un évêché suffragant de Vienne, et l'une des plus anciennes universités de France, qui, pour le droit, en fut long temps une des plus célèbres. Cujas y a professé à deux époques différentes, de 1557 à 1559 et de 1567 à 1575.
Aujourd'hui, c'est le chef-lieu du département, du 1er arrondissement communal et d'une subdivision de la 7me division militaire, le siége de la préfecture et des tribunaux, la résidence d'un état-major et de divers fonctionnaires et employés. Il y a un évêché suffragant d'Avignon, un séminaire, un collége, plusieurs pensionnats de jeunes demoiselles, trois imprimeries, une bibliothèque publique et une école d'artillerie. A l'est et à très peu de distance de la ville, le polygone, qui sert aux manoeuvres de l'école, se compose d'une vaste plaine complantée de platanes et de sycomores dans tout son pourtour. Comme le sol en est ferme et caillouteux, on peut y faire tous les exercices de l'artillerie, même après de longues pluies, et l'on n'y perd pas un seul projectile.
Valence est une des plus anciennes villes des Gaules. Lorsque les Romains franchirent les Alpes, elle était déjà la capitale des Ségalauniens et le siége d'une de ces écoles que l'exemple des Phocéens établis sur les bords de la Méditerranée avait fait ouvrir dans ces contrées. Devenue colonie sous Auguste, elle ajouta à son nom celui de Julia, pour rappeler la protection que lui avait naguère accordée César et le séjour qu'il y avait fait. Les historiens et les géographes la placent parmi les villes principales de la province Viennoise.
Par sa position à la jonction des deux routes qui, d'Arles et des Alpes Cottiennes, tendaient à Vienne et Lyon, près du confluent de l'Isère et du Rhône, Valence fut souvent, dans ces siècles reculés, le théâtre de la résistance héroïque que les Gaulois, parmi lesquels on distingua toujours les Allobroges, opposèrent à l'esprit de conquête et d'envahissement des Romains.
A la décadence de l'empire, elle souffrit, et de ses déchiremens, et des fréquentes irruptions des peuples du Nord.
Dans le VIme siècle, elle fut prise par les Lombards et brûlée dans le VIIIme par les Sarrasins.
Ces événemens principaux, auxquels s'en rattachent beaucoup d'autres que les bornes de cet article ne permettent pas de rapporter, expliquent pourquoi on trouve à Valence si peu de monumens antiques.
Il y a cependant une belle mosaïque, qui, du jardin de M. Épailly, communique dans celui de M. de Monicault.
Il y a encore au-devant de la maison de M. Épailly, une grosse pierre tumulaire couchée, avec l'inscription suivante qui est très fruste ; elle est rapportée par M. Millin dans sa Description du midi de la France.
D M VALENTINI VIBLICICIV INVSTAT + A VICTOR NLO ISSQVI VIX ANN XXI M. V. D. VIII. S. A. D. (Sub asciâ dedicavit) (1) (1) On lit sur la plupart des pierres tumulaires des anciens, et plus particulièrement sur les tombeaux celtes, les mots Sub asciâ dedicavit, marqués par les initiales S. A. D., ou simplement S. A. sub asciâ. Ces mots sont le plus souvent accompagnés d'une figure, et cette figure n'est pas toujours la même. Les antiquaires ont cru que l'inscription et la figure avaient un rapport mutuel, mais ils ne se sont pas accordés sur le sens qu'il fallait y attacher. Les uns ont prétendu que l'ascia n'était autre chose qu'un polissoir de marbrier, d'autres une gâche à mêler la chaux détrempée avec le sable pour en faire du mortier ; quelques-uns l'ont prise pour une truelle qui sert à coucher le mortier fin et le plâtre ; plusieurs en ont fait un marteau à façonner ; d'autres savans en ont fait un instrument à remuer la terre et destiné à la creuser, dans la vue d'ériger des sépulcres ; quelques-uns ont pensé que cette figure représentait une ancre diversement sculptée, symbole du repos et de la tranquillité parmi les Gaulois, et ils ont prétendu que le mot ascia était celtique, qu'As etait la grande divinité des anciens Gaulois, et que sci en celtique signifiait protection, d'où ils ont conclu que dedicare tumulum sub asciâ, c'était mettre un tombeau sous la protection des Dieux. D'autres enfin ont pensé que le mot ascia étant quelquefois employé pour dire punition, châtiment, l'inscription Sub asciâ dedicatum, pouvait encore signifier qu'il était défendu de toucher au tombeau sous peine de punition..
La tour penchée qu'on voit à la porte Saint-Félix est un reste des anciens remparts romains. Spon dit qu'elle a quelque rapport avec la tour pendante de Pise, et le vulgaire veut qu'elle se soit ainsi inclinée lorsque les martyrs Félix, Fortunat et Achillée, conduits au supplice en 212, passèrent par cette porte de la ville.
Des vestiges d'autres tours, baignées maintenant par les eaux du Rhône, près du jardin de l'hôpital général, sont également de construction romaine.
Un emplacement près de la citadelle a conservé la dénomination de cirque, dans le nom corrompu de cire, mais on n'y rencontre aucun vestige remarquable de cette antique destination.
Dans le quartier de Saint-Jean sont les restes gothiques de l'ancien cloître de ce nom. C'est là qu'étaient, dans les premiers siècles de l'église, la cathédrale, le palais épiscopal et l'habitation des clercs. La cathédrale fut détruite, incendiée par les Sarrasins ; il ne resta guère que le portail et la campanule ; et c'est alors qu'on songea à fonder une autre cathédrale et un autre palais épiscopal dans la partie méridionale de la ville.
On voit dans les jardins de la préfecture les colonnes milliaires trouvées à Montélimar et au pont de Bancel. En voici les inscriptions :
Colonne de Montélimar.
IMP CAES L. DOMITIO AVRELIANO P F I AVG P M M S M
A l'empereur César Lucius Domitius Aurélien, pieux, heureux, invincible, auguste, souverain pontife. (Le reste est détruit.)
Colonne du pont de Bancel.
IMP . CAES . C . IVL . VERVS . MAXIMINVS . P . F AVG . GERM . SARM . DAC . MAXI . ET . C IVS . VERVS . MAXIMVS NOBILISS . CAES . M . P . IIIXX
A l'empereur César Caïus Julius Verus Maximus, pieux, heureux, auguste, conquérant de la Germanie, de la Sarmatie, de la Dacie, très illustre, très juste, très vrai, très grand, très noble César, souverain pontife. IIIXX (17).
On remarque aussi parmi les objets d'antiquité rassemblés par feu M. de Sucy, et qui sont maintenant au pouvoir de ses beaux-frères, MM. de Bressac et de Chièze, l'autel taurobolique qui fut trouvé à Châteauneuf-d'Isère, en 1786, dans la cour de la maison de campagne de M. Rolland-Fromentière. Il y a sur la face principale un bucrâne presque effacé, comme sur l'autel de Tain, sur un autre côté un cône de pin entre un préféricule, une patère à manche, un gateau sacré et le bonnet d'Atys. La troisième face est ornée d'un crâne de bélier, entre un aspersoir et un pedum ; sur la quatrième face est le rameau du dendrophore.
Il porte l'inscription suivante :
M . D . M . I . TAVROBOL DENDROPHOR VAL SVA PF
Matri Deum, magnoe Ideoe, taurobolium dendrophorus Valentininus suâ pecuniâ fecit.
Le dendrophore de Valence a fait à ses frais un taurobole en l'honneur de la mère des Dieux, la grande déesse du mont Ida.
On voit encore parmi les objets d'antiquité recueillis par M. de Sucy, dans le jardin de la maison paternelle, ce fragment d'inscription :
MORIAE AE NAELFIRMI AXSIMI M FIR VALERIANV TRIINCOM ABILI
Memorioe oeternoe Lucii Firmiani Maxsimi. Marcus Firmianus Valerianus, fratri incomparabili.
A la mémoire éternelle de Lucius Firmianus Maximus, ce frère incomparable, Marcus Firmianus Valerianus a élevé ce monument.
Il y existe aussi un superbe chapiteau en marbre, d'ordre ionique, élevé à la ville de Vienne ; la volute est formée par les enroulemens de deux énormes dragons qui s'élancent autour de deux trépieds, dont un est surmonté d'une figure d'Apollon, vers laquelle se dressent les têtes des deux serpens. M. Millin a pensé que ce chapiteau venait d'un temple consacré au dieu des arts.
On trouve encore à Valence trois monumens qui datent de la renaissance des arts, et paraissent être l'ouvrage de ces artistes italiens qui vinrent en France à la suite des armées de François Ier : ce sont la façade de la maison de MM. Aurel, l'escalier intérieur de celle de M.me Dupré-Latour et le pendentif.
La façade de la première est enrichie de sculptures et ornée d'une grande quantité de bustes et de statues d'un travail parfait.
L'escalier de la seconde est également orné de sculptures et de quelques statues, avec des bas-reliefs d'une très habile exécution.
L'une porte le millésime de 1531 et l'autre celui de 1539.
Le troisième de ces monumens est ce petit bâtiment carré, dont les quatre faces sont vermiculées et historiées, qu'on voit dans l'ancien cloître de l'église Saint-Apollinaire. Chacun des quatre angles est occupé par une jolie colonne d'ordre corinthien. La clef qui est au milieu du cintre de chacune des quatre ouvertures, est ornée d'une tête et d'une armoirie. C'est le premier pendentif qui ait été construit en France, ce qui fit donner à ce genre de construction, dont celle-ci est le type, le nom générique de pendentif de Valence. C'était un oratoire funéraire dans le souterrain duquel étaient déposées les tombes de MM. de Mistral, famille parlementaire fort ancienne, maintenant éteinte.
M. Millin avait attribué ce mausolée à la famille de Marcieu ; mais en rapprochant les armes de sinople au chevron d'or, chargé de trois trèfles d'azur, qui y sont peintes et gravées, avec le nobiliaire du Dauphiné, je reconnus, pour la première fois en 1817, que c'était à MM. de Mistral qu'il fallait l'attribuer, et je rétablis sa véritable origine dans la première édition de cet ouvrage.
L'espèce de profanation à laquelle ce monument était livré depuis longues années, et qui excita si vivement et si justement les observations critiques de M. Millin, a cessé : une ordonnance royale du 3 juillet 1832 en a autorisé l'acquisition aux frais de la ville. Il faut maintenant le restaurer et lui donner une affectation particulière d'utilité publique.
L'église de Valence remonte aux premiers temps de l'établissement du christianisme dans les Gaules. Elle fut fondée, vers l'an 212, par ces trois disciples de Saint Irénée, évêque de Lyon, Félix, Fortunat et Achillée, que Cornelius, général de l'empereur Caracalla, y fit mourir ; de là elle est considérée comme une de ces églises qu'on nommait autrefois apostoliques.
Dans la longue suite de ses évêques il en est de célèbres, tels que Jean de Montluc, non moins connu comme homme d'état et comme prélat d'un profond savoir et d'une grande éloquence, que par sa tolérance pour les doctrines du protestantisme. Il en est aussi de fameux, tels que le chancelier Duprat, qui fonda la vénalité des charges, sacrifia à la cour de Rome la

Pendentif de Valence
pragmatique de Saint Louis, et fit consacrer la désastreuse maxime féodale qu'en France il n'y avait point de terre sans seigneur. Il en est enfin plusieurs que l'église reconnaît pour saints, tels que Saint Émilien, qui assista, en 374, au premier concile de Valence, et Saint Apollinaire, qui vivait en 480, et qui est devenu le patron de l'église cathédrale. Son tombeau fut d'abord dans l'église de Saint-Pierre du Bourg ; on le transféra ensuite dans l'église de Saint-Étienne, qui occupait l'emplacement où est maintenant le corpsde-garde de la place des Clercs, et enfin dans la cathédrale actuelle, alors dédiée à Saint Corneille et à Saint Cyprien. Le pape Urbain II la consacra le 5 août 1095, lorsqu'il se rendit au concile de Clermont, où fut résolue la première croisade. Rien n'indique à quelle époque cette église quitta son ancien nom pour prendre celui de Saint-Apollinaire. Sa consécration par Urbain II est mieux constatée ; elle résulte de l'inscription suivante, qui ne se voit plus dans l'église, mais qui a été conservée par M. de Catellan, dans ses Antiquités de l'Église de Valence :
ANNO AB INCARNATIONE DOMINI MILLESIMO NONAGESIMO QVINTO (Ce dernier mot presque effacé) INDICTIONE SECVNDA NONIS AVGVSTI VRBANVS PAPA SECVNDVS CVM DVODECIM EPISCOPIS IN HONOREM BEATAE MARIAE VIRGINIS ET SANCTORVM MARTYRVM CORNELII ET CYPRIANI HANC ECCLESIAM DEDICAVIT
L'an de Notre Seigneur mil quatre-vingt-quinze, indiction seconde, et le cinquième du mois d'août, le pape Urbain II, assisté de douze évêques, dédia cette église à l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie, et des saints martyrs Corneille et Cyprien.
Il s'est tenu à Valence cinq conciles, en 374, 585, 855, 1100 et 1248. Les premiers ont eu lieu dans l'église de Saint-Jean.
En 890, Louis, fils de Boson, y fut proclamé et couronné roi de Bourgogne, par un nombre assez considérable de prélats qu'y avait réunis Ermengarde, sa mère.
Lors du démembrement de ce royaume, Valence devint, sous le régime féodal, un fief soumis à l'évêque, et le chef-lieu du comté de Valentinois. Elle eut singulièrement à souffrir des guerres que se firent sans cesse les comtes et les évêques. En 1229, la population tout entière se révolta contre l'évêque, Guillaume de Savoie ; mais le gouvernement populaire qu'elle organisa, sous le titre de confrérie, fut de courte durée. Il paraît pourtant que Valence parvint à recouvrer quelque ombre d'indépendance au moyen de la charte d'affranchissement qu'elle obtint des évêques en 1331.
En 1450, elle se plaça sous la protection de Louis XI. Il la maintint dans ses anciens priviléges, et déclara que ses habitans jouiraient en outre de tous bons usages, coutumes et libertés, dont jouissaient ceux de sa province de Dauphiné.
Cette ville, dont les habitans embrassèrent des premiers la réforme, souffrit beaucoup aussi des troubles religieux du XVIme siècle.
En 1563, elle devint le siége du conseil politique qui gouverna l'espèce de république dont les protestans firent un moment l'essai en Dauphiné. Elle était alors fort importante, tant par son commerce et son industrie, que par sa population ; mais la révocation de l'édit de Nantes lui porta un coup funeste.
Les états particuliers de la province s'y sont réunis plusieurs fois, notamment en 1611 : les consuls de la ville y avaient une place marquée.
Avant la suppression des ordres religieux, elle renfermait divers monastères et une collégiale, reste de l'abbaye supprimée de Saint-Ruf : fondée à Avignon en 1038, elle fut transférée à Valence en 1158, à l'île de l'Éparvière. Le chapitre était nombreux et bien doté, les bâtimens étaient vastes et richement décorés ; mais forcés de se réfugier dans la ville pendant les guerres religieuses, les chanoines abandonnèrent cette retraite ; les bâtimens furent détruits, et une maison d'exploitation rurale s'éleva sur leurs ruines. On y voit encore quelques vestiges de l'ancien monastère.
Valence est entourée de murailles flanquées de tours et percées de plusieurs portes. Elle a deux corps de casernes et une citadelle mal fortifiée, dont François Ier vint jeter les fondemens en 1530, lorsque Charles-Quint opéra un débarquement à Marseille. L'hôtel du Gouvernement, qu'on voit dans l'enceinte de la citadelle, date de la régence. Le logement du lieutenant de roi fut construit quelques années seulement avant la révolution.
Pie VI habita cet ancien hôtel du Gouvernement, aujourd'hui si dégradé, pendant sa captivité de 1799. Le jardin, en forme de terrasse, domine une partie de la ville et la vallée du Rhône. Le point de vue en est magnifique ; aussi dit-on que Pie VI s'écria, en paraissant pour la première fois sur cette terrasse : Oh che bella vista ! Il mourut dans cet hôtel le 29 août de cette même année 1799, âgé de 82 ans (1) (1) Voici l'acte civil de son décès :
Aujourd'hui douze fructidor an sept de la république française, à l'heure de trois après midi, par-devant moi Jean-Louis Chauveau, administrateur municipal de la commune de Valence, élu pour rédiger les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens, est comparu M. Joseph Spina, archevêque de Corinthe, lequel, accompagné de M. Jean Puis Ramera, prêtre, âgé de quarante ans environ, et de M. Jérôme Fantiny, aussi prêtre, et de M. Caraceiola, dont le prénom est Innico, prélat âgé aussi d'environ quarante ans, et ledit Fantiny âgé de soixante-quatre ans, tous les quatre demeurant à Valence, dans la maison dépendante de la citadelle, et attachés au décédé ci-après, m'a déclaré que Jean-Ange Braschy, Pie VI, pontife de Rome, est décédé cejourd'hui, à une heure vingt-cinq minutes du matin, dans ladite maison, âgé de quatre-vingt-un ans huit mois et deux jours. D'après cette déclaration, certifiée véritable par le déclarant et les témoins, je me suis de suite transporté en ladite maison d'habitation, accompagné des membres composant l'administration centrale et le commissaire du directoire exécutif près d'elle, ainsi que de deux membres de l'administration municipale ; y étant, nous dits officier public et administrateurs ci-dessus avons fait appeler les citoyens Duvaure, officier de santé, et Vidal père, officier de santé en chef de l'hospice militaire de cette commune, lesquels, après avoir fait l'examen du corps dudit Braschy, Pie VI, nous ont confirmé son décès. De tout quoi j'ai rédigé acte, en présence du commandant de la place et du juge de paix de ce canton, que j'ai signé avec eux, les membres desdites autorités constituées, lesdits officiers de santé, le déclarant et les témoins ; le citoyen Doux, secrétaire de la commune, écrivant. - Valence, en la maison commune, les jour, mois et an que dessus. - Signé Spina, archevêque de Corinthe ; Innico Riego Caracciola ; Daly, administrateur du département ; abate Ramera ; Deydier, administrateur du département ; Gaillard, président municipal ; Boveron, administrateur du département ; Algoud, administrateur du département ; Brosset, commissaire du directoire près l'administration centrale ; Gastoud, secrétaire général ; Regnard, commissaire du directoire exécutif près la commune ; Mermilliod, commandant de la place de Valence ; Colombiez aîné, juge de paix ; Vidal, major ; Duvaure ; Chauveau, officier public ; Doux, secrétaire.
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Il existe dans l'église cathédrale un monument en marbre blanc, élevé en 1811, par ordre et aux frais du gouvernement impérial, à la mémoire de ce pontife, dont il renferme le coeur et les entrailles ; c'est un cénotaphe surmonté d'un buste. Le cénotaphe est orné de bas-reliefs représentant, d'une part, la Religion et l'Espérance, et de l'autre Pie VI dans ses habits pontificaux ; ils ont été exécutés à Rome : le buste est de Canova, et le cénotaphe de Maximilien.
Le corps de Pie VI, embaumé, avait d'abord été placé dans le cimetière de Valence, dans un caveau qu'on creusa à cet effet ; on l'avait surmonté d'un mausolée ; mais le corps fut ensuite rendu au pape Pie VII, et transporté à Rome par les soins de M. le cardinal Spina, archevêque de Gênes. La ville de Valence réclama, depuis, le coeur et les entrailles du pontife ; on les lui envoya de Rome, et ils reposèrent dans une chapelle ardente de l'église Saint-Apollinaire, jusqu'à l'érection du monument élevé dans cette même église à la mémoire de Pie VI. La consécration en a été faite avec beaucoup de solennité, le 25 octobre 1811, par M. le cardinal Spina, assisté de MM. Bécherel, évêque de Valence, et Périer, évêque d'Avignon.
M. Bécherel fit placer sur le monument l'inscription suivante :
Sancta. Pii Sexti redeunt
Praecordia Gallis :
Roma tenet corpus ;
Nomen ubique sonat
Valentiae obiit 29 aug. an 1799.

Les entrailles saintes de Pie VI sont rendues aux Français ; Rome possède son corps ; son nom retentit en tous lieux. Il est mort à Valence, le 29 août 1799.
On admire dans l'église cathédrale un Saint Sébastien, que les uns attribuent au Corrège et les autres au Carache ; il est digne de ces grands maîtres.
On remarque à Valence l'un des premiers et des plus beaux ponts en fil de fer qui aient été construits sur le Rhône, le palais de justice, le nouveau séminaire converti en caserne, la salle de spectacle (1) (1) La pose de la première pierre du palais de justice a eu lieu le 15 juin 1824 ; celle du séminaire le 1er juin de la même année, et celle de la salle de spectacle le 8 septembre 1827. L'ordonnance royale qui a converti le grand séminaire en caserne est du 23 août 1831. et la terrasse de l'hôtel de la préfecture, en face de laquelle on voit, de l'autre côté du fleuve, la montagne et les ruines de l'ancien château de Crussol. On y remarque encore la promenade du Champ-de-Mars : c'est une esplanade carrée et plantée d'arbres, qui domine le Rhône et les prairies qui le bordent, et du point de vue de laquelle se développe de la manière la plus étendue et la plus variée le beau paysage que présente cette partie intéressante de la vallée. Cette promenade date de l'année 1773.
Napoléon habita Valence à son début dans la carrière militaire, en 1785, 1786 et 1791. Il occupait une modeste chambre dans la maison qui appartient aujourd'hui à M. Fiéron, avoué, et il s'est constamment rappelé avec intérêt son séjour dans cette ville (1) (1) Voici une anecdote que rapporte à ce sujet M. de Beausset, préfet du palais impérial, dans le 4me volume de ses Mémoires :
« A Erfurt, le 7 octobre 1808, l'empereur ayant à sa table l'empereur de Russie et tous les souverains de la confédération du Rhin, il fut question de la bulle d'or, qui, jusqu'à l'établissement de la confédération du Rhin, avait servi de constitution et de réglement pour l'élection des empereurs, le nombre et la qualité des électeurs, etc. Le prince primat entra dans quelques détails sur cette bulle d'or, qu'il disait avoir été faite en 1409. L'empereur Napoléon lui fit observer que la date qu'il assignait à la bulle d'or n'était pas exacte, et qu'elle fut proclamée en 1336, sous le règne de l'empereur Charles IV. - C'est vrai, sire, répondit le prince primat, je me trompais ; mais comment se fait-il que Votre Majesté sache si bien ces choses-là ? - Quand j'étais simple lieutenant en second d'artillerie.... A ce début, il y eut, de la part des augustes convives, un mouvement d'intérêt très marqué. Il reprit en souriant : Quand j'avais l'honneur d'être simple lieutenant en second d'artillerie, je restai trois années en garnison à Valence. J'aimais peu le monde et vivais très retiré. Un heureux hasard m'avait logé près d'un libraire instruit et des plus complaisans.... (*) (*) M. Aurel.. J'ai lu et relu sa bibliothèque pendant ces trois années de garnison, et n'ai rien oublié, même des matières qui n'avaient aucun rapport avec mon état. La nature, d'ailleurs, m'avait doué de la mémoire des chiffres ; il m'arrive très souvent, avec mes ministres, de leur citer le détail et l'ensemble numérique de leurs comptes les plus anciens.... »
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C'est la patrie de Laurent Joubert, savant médecin, auteur de plusieurs ouvrages, tant en français qu'en latin, mort en 1582 ;
Du médecin Jean Perreau, qui a traduit du grec en latin les Mois Attiques, en 1530 ;
De Laurent-Barthélemi de Bressac, habile prédicateur, mort en 1630 ;
De Balthazar Baro, qui fut d'abord secrétaire de d'Urfé, et acheva après la mort de celui-ci le roman d'Astrée, dont l'auteur n'avait terminé que les quatre premières parties. Il le publia en 1647, 5 volumes in-8°, fut reçu à l'académie française, et nommé chancelier de l'université de Montpellier, où il mourut en 1650. On a encore de lui un grand nombre de pastorales, tragédies, poèmes et odes, en l'honneur du cardinal de Richelieu, 1637, in-4°.
Du jésuite Pierre-Just Sautel, poète latin, né en 1613, mort à Tournon en 1662. Il a laissé : Div. Magdalenoe ignes sacri, Lyon, 1656, in-12 ; Lusus poetici allegorici, ibid., 1656 et 1667, in-12, réimprimé avec les poésies de Madelenet, Paris, 1725 et 1752, in-12, et traduit en français par Coupé, dans les Soirées littéraires, tome XII ; Annus sacer poeticus, etc., Lyon, 1665, in-16, et Paris, 1675, in-8°.
D'André Serret, auteur de l'Histoire des Savans de Hesse, mort en 1721 ;
De Simon-Antoine-François-Marie de Sucy, né le 19 juin 1764, antiquaire distingué, membre de l'institut d'Égypte et ordonnateur en chef de l'armée d'Orient, massacré à Augusta, en Sicile, le 6 pluviôse an VII (25 janvier 1799). C'était un ami particulier de Napoléon : il fit avec lui les campagnes d'Italie, comme ordonnateur ; il le suivit dans l'expédition d'Égypte, et Bonaparte rendant compte au directoire de la république française, par un message daté du Caire le 6 thermidor an VI (24 juillet 1798), des opérations de l'armée, s'exprime ainsi sur l'ordonnateur en chef Sucy : « Il s'était embarqué sur notre flottille du Nil, pour être à portée de nous faire passer des vivres du Delta. Voyant que je redoublais de marche, et désirant être à mes côtés le jour de la bataille, il se jeta dans une chaloupe canonnière, et malgré les périls qu'il avait à courir, il se sépara de la flottille. Sa chaloupe échoua. Il fut assailli par une grande quantité d'ennemis. Il montra le plus grand courage. Blessé très dangereusement au bras, il parvint, par son exemple, à ranimer l'équipage, et à tirer la chaloupe du mauvais pas où elle s'était engagée. »
Le 2 nivôse an VII (22 décembre 1798), il s'embarqua à Alexandrie, pour revenir en France, avec son secrétaire Mazelier et soixante et dix-huit blessés. Le 17 nivôse, après une traversée orageuse, le bâtiment aborda à Augusta, en Sicile. On le mit en quarantaine. La cour de Palerme, informée de son arrivée, ordonna qu'on s'emparât des trésors qu'elle supposait que Sucy rapportait d'Égypte au gouvernement français ; elle fit plus, elle excita, dit-on, la multitude contre nos malheureux compatriotes : le peuple en fureur se porta au lazaret, et le 6 pluviôse, Sucy, son secrétaire, huit officiers et tous les militaires malades, furent massacrés et mis en pièces.
De Jean-Étienne Championnet, né en 1762, fils naturel de M. Grand, maître de poste et conseiller à l'élection, qui, depuis, épousa la mère. On l'appela Championnet, du nom d'un quartier du territoire de Valence, où M. Grand avait beaucoup de propriétés. Il fut soldat à l'âge de 14 ans, et assista au siége de Gibraltar, en qualité de volontaire dans le régiment de Bretagne. Les premières guerres de la révolution lui fournirent l'occasion de signaler sa bravoure de la manière la plus éclatante, et il mérita d'être élevé aux premiers grades. Il décida, en 1794, le succès de la journée de Fleurus, où il commandait une division au centre de l'armée, et, en 1798, il fit, en qualité de général en chef, la conquête du royaume de Naples, où le général Mack et tout son état-major tombèrent en son pouvoir. Placé, en 1799, à la tête de l'armée des Alpes, il battit les Autrichiens à Fenestrelles. Bientôt après il remplaça Moreau à l'armée d'Italie, et y remporta de nouveaux avantages. Mais un échec l'attendait à Gerola : son armée, alors attaquée d'une épidémie, fut battue par les Austro-Russes supérieurs en nombre. Frappé lui-même de la contagion, il fut contraint de s'arrêter à Nice, et dès les premiers momens un pressentiment secret s'empara de lui. Partons de Nice, répétait-il ; cette ville me sera fatale !.... Mais il était obligé, pour empêcher la désorganisation de l'armée, d'y attendre son successeur. Sur son lit de douleur, il regrettait de n'être pas mort, comme Joubert, sur un champ de bataille. Il succomba, après douze jours de maladie, le 19 nivôse an VIII (9 janvier 1800). Pendant les trois derniers jours, il fut dans un continuel délire, au milieu duquel il parlait sans cesse des besoins de ses compagnons d'armes, de ses devoirs militaires et des intérêts de son pays. Il demandait où étaient les vaisseaux chargés de blé pour l'armée, s'ils arrivaient de Marseille ; si l'on avait envoyé de l'argent et des habits, si l'on payait la solde des troupes, et surtout si l'on avait battu les Autrichiens. Il avait reçu du premier consul une lettre pleine d'expressions d'estime et de reconnaissance, et il regrettait de ne point voir Bonaparte avant de mourir. L'armée ressentit vivement la perte d'un général qui, dans la campagne de Rome et de Naples, l'avait souvent conduite à la victoire. Son coeur fut apporté à Valence, et déposé dans l'ancienne église de Saint-Ruf, qui sert maintenant à l'exercice du culte protestant. On y voit encore le monument élevé en l'an VIII à la mémoire de ce guerrier.
Du docteur Arnulphe Daumont, seul professeur en médecine de l'ancienne université de Valence, né en 1721, mort le 30 thermidor an VIII (18 août 1800). Il fut l'ami de d'Alembert et de Diderot, qui se l'associèrent pour le grand oeuvre de l'Encyclopédie, auquel il a fourni 374 articles de médecine : ils embrassent presque toutes les parties de la science, et ils ont puissamment contribué à ses progrès. M. Daumont n'était pas seulement un habile médecin et un savant distingué, il se recommandait encore par toutes les qualités de l'homme de bien et du bon citoyen ; aussi sa mémoire est-elle en vénération parmi ses compatriotes (1) (1) Le nom de M. Daumont est mentionné pour la première fois en tête du 3me volume de l'Encyclopédie, lettre C, édition in-fol. ; il l'a été successivement dans l'avertissement des éditeurs, aux volumes 4 et 5 ; voici en quels termes :
Volume 3, imprimé à Paris en 1753, édition in-fol. : « M. Daumont, docteur et professeur en médecine dans l'université de Valence, nous a donné plusieurs articles de médecine, à la suite desquels on trouvera son nom. »
Volume 4, imprimé à Paris en 1754 : « M. Daumont, docteur et premier professeur en médecine de l'université de Valence et de la société royale des sciences de Montpellier, est auteur d'un grand nombre d'articles de physiologie et de médecine ; ils sont désignés par un (d), qui, dans les volumes suivans, sera la marque distinctive de cet auteur. »
Volume 5, imprimé à Paris en 1755 : « Nous annonçons pour la dernière fois un de nos plus habiles et de nos plus utiles collègues, M. Daumont, docteur et premier professeur en médecine dans l'université de Valence, dont les articles sont marqués d'un (d). »
Les articles de M. Daumont, suivis de son nom en toutes lettres, dans le 3me volume de l'édition in-fol., sont en effet indiqués par un (d) dans les volumes suivans, jusqu'au 7me inclusivement, imprimé à Paris en 1757 ; mais à partir du 8me volume, lettre H, imprimé à Neuchâtel en 1765, on ne rencontre plus à la suite d'aucun article de médecine le nom ou la marque de M. Daumont, et l'on en découvre un certain nombre qui ne sont suivis d'aucune marque d'auteur. Voici les motifs qui conduisent à penser que tous ces derniers articles appartiennent à M. Daumont :
Les auteurs des articles de médecine, indépendamment de M. Daumont, sont : MM. le chevalier de Jaucourt, indiqué par son nom ou par les lettres (D. J) ; Venel, par la marque (b) ; Louis, par (V) ; le baron d'Holbac, par ce signe (-) ; Jarin, par (L) ; Fouquet, par son nom ; Vendenesse, par (N) ; de la Fosse, par son nom ; Menuret, par son nom ; Barthès, par un (g) ; Devillers, par son nom ; Lemonnier, par son nom ou par (m) ; de Haller, par (H. D. G).
On trouve le nom ou la marque de ces auteurs à la suite de leurs articles, dans tout le cours de l'ouvrage, tant dans les volumes imprimés à Paris, où sont indiqués tous les articles de M. Daumont, que dans ceux qui ont été imprimés à Neuchâtel, où la marque de cet auteur ne se rencontre plus. N'est-on pas dès-lors autorisé à soutenir que M. Daumont a fourni tous les articles de médecine dont les auteurs ne sont pas désignés ?
D'autres observations impriment à cette probabilité le caractère de la certitude.
Les articles Habitude, Régime, non naturelles (Choses), Nutrition, Passion, sans indication d'auteur dans l'édition in-fol., sont suivis, dans l'édition in-4°, volume 17, imprimé à Genève en 1778, du nom en toutes lettres de M. Daumont.
Les articles Hydropisie, Hydropote, Hygiène, dépourvus du nom de l'auteur dans l'édition in-fol., sont terminés dans l'édition in-4°, dont la famille de M. Daumont est en possession, par un (d), manuscrit par M. Daumont lui-même.
Le manuscrit tout entier de M. Daumont pour les articles Jactation, Jectigation, Jeunesse, Imprégnation, est joint au volume de l'édition in-fol. laissée par M. Daumont, où ces mots se trouvent traités ; et ces mêmes articles ne portent sa marque, imprimée ou manuscrite, ni dans l'édition in-fol., ni dans l'édition in-4°.
Les articles Marasme, Mélancolie, Natation, Régime, Sang, de l'édition in-fol., sans indication d'auteur, y sont corrigés de la main de M. Daumont. L'article Maladie, de l'édition in-4°, présente aussi deux corrections, et elles ont cela de remarquable que dans la première le nom de Boërrhaave est substitué à celui du commentateur Astruc, et que la seconde supplée à l'indication du nom de Haller : or, il n'appartenait qu'à l'auteur de l'article d'indiquer les sources où il avait puisé sa doctrine.
La famille de M. Daumont a eu long temps en sa possession une lettre, entre autres, de M. Diderot, dans laquelle il presse M. Daumont de lui adresser ses articles, pour le complément de la série H, qui, dans l'Encyclopédie, ne présente déjà plus le nom de M. Daumont.
M. Diderot est seul désigné, en tête du 1er volume de l'Encyclopédie, comme auteur des articles non suivis de marque ou de nom ; mais M. Diderot n'est cité nulle part pour avoir traité des matières de médecine, et tous les articles de ce genre, sans nom d'auteur, de l'édition in-fol., qui doivent être attribués à M. Daumont, annoncent des connaissances pratiques en cette science.
A ces considérations on pourrait ajouter celle de l'analogie des matières traitées dans la plupart des articles sans indication d'auteur, et dans ceux qui portent la marque de M. Daumont ; celle encore des renvois énoncés en ces derniers articles à d'autres dépourvus de marque, qui n'ont été produits que plus tard, mais que M. Daumont paraissait déjà avoir traités, ou du moins dont il avait conçu le plan : toutefois, la discussion de ces preuves n'est pas jugée nécessaire ; elle comporterait, d'ailleurs, des développemens qu'on ne s'est pas proposés.
On termine par cette observation : la manière extrêmement honorable et encourageante dont M. Daumont avait été mentionné en tête du 5me volume dut exciter encore son zèle, et l'on ne concevrait pas qu'il eût, dès la lettre G, discontinué toute coopération à l'entreprise des éditeurs ; on comprendrait moins encore comment alors il eût justifié leurs éloges et le témoignage de leur gratitude, ainsi consignés au mot Vitalité, édition in-4° : « Cet article nouveau est de M. Daumont, docteur en médecine, seul professeur de l'université de Valence, à qui l'Encyclopédie doit tant de morceaux précieux, qui annoncent un profond physicien et un écrivain qui sait concilier la netteté avec la précision. »
Quant aux motifs qui purent déterminer M. Daumont à ne pas réclamer contre l'omission de son nom, on se bornera, à défaut d'autres notions, à ce rapprochement : M. Daumont exerçait des fonctions publiques comme professeur à Valence, et chargé des visites à l'hôpital militaire de l'Hôtel-Dieu, auquel il a été attaché pendant plus de 20 ans ; d'autre part, le nom de M. Daumont, qui se trouve dans les volumes dont l'impression avait été permise, ne s'y rencontre plus qu'accidentellement, après qu'ayant été défendue à Paris, elle fut continuée à Neuchâtel.
(Note de M. Planel, vice-président du tribunal civil de Valence, petit-fils de M. Daumont.)
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Du maréchal-de-camp Jean-Urbain Fugière, né le 8 février 1752, mort le 7 décembre 1813, commandant en chef de la succursale des invalides d'Avignon. Il était de l'expédition d'Égypte, et il perdit un bras à la bataille d'Aboukir le 7 thermidor an VII. Il fut opéré par le chirurgien en chef {634}Larrey, sous le canon de l'ennemi, en présence de Bonaparte. Ne comptant plus sur la vie, il fit don de son épée au général en chef, en lui adressant ces paroles que l'avenir a rendues prophétiques. « Général, je meurs au champ d'honneur ; un jour peut-être vous envierez mon sort ! » Bonaparte fit présent de l'épée de Fugière à M. Larrey, après y avoir fait graver le nom du chirurgien en chef et celui de la bataille. Le général Fugière ne mourut point. Il fut sauvé par l'habile opération qu'il avait subie, et pendant 17 ans il a commandé les invalides à Avignon.
D'Alphonse-Hubert de Lattier de Bayanne, né en 1739. D'abord grandvicaire de Coutances, puis auditeur de rote à Rome, élevé en 1801 à la dignité de cardinal, devenu ensuite sénateur, comte de l'empire, puis pair de France, il assista au Champ-de-Mai, fut néanmoins conservé sur la liste des pairs, et refusa de siéger dans le procès du maréchal Ney. Il est mort à Paris le 26 juillet 1818.
De Jean-Pierre Bachasson de Montalivet, comte de l'empire, ministre de l'intérieur, pair de France, né le 15 juillet 1766. Il embrassa la carrière de la magistrature, et à 19 ans il était conseiller au parlement de Grenoble. Il traversa avec bonheur la révolution, et après le 18 brumaire il fut nommé maire de Valence et membre du conseil général du département. En 1801, il fut appelé à la préfecture de la Manche, puis à celle de Seine-et-Oise. Les talens distingués qu'il déploya dans ces diverses fonctions devaient lui procurer une élévation rapide ; aussi devint-il successivement conseiller d'état, commandant de la légion-d'honneur, directeur général des ponts et chaussées (1805), et enfin ministre de l'intérieur (1809). En 1814, il accompagna Marie-Louise à Blois, et rentra ensuite dans la vie privée. Ayant accepté pendant les cent jours la place d'intendant général de la couronne, et siégé à la chambre des pairs instituée par Napoléon, il fut exclu de la nouvelle chambre royale ; mais on l'y rappela en 1819, et quoiqu'il prît alors peu de part aux discussions, il vota constamment avec le parti constitutionnel. Il mourut à la Grange, près Pouilly, le 22 janvier 1823, et M. Daru prononça son éloge à la chambre des pairs le 20 mars suivant.
M. de Montalivet est un des ministres de l'empire qui ont le plus puissamment contribué aux grandes choses de ce règne, et qui ont laissé la réputation la mieux établie de savoir et de probité. A la chute de Napoléon, sa conduite fut noble et digne ; on ne le vit point, comme tant d'autres, se hâter d'abandonner son ancien maître pour saluer le pouvoir nouveau.
D'Esprit-François-Marie Dupré Deloire, né le 2 novembre 1772, auteur de Charles-Martel, poème épique en 12 chants, dans lequel on trouve des beautés et un talent qui n'ont pas été assez appréciés, 2 vol. in-8°, Paris, 1829, et d'un Voyage à la Grande Chartreuse, 1 vol. in-12, Valence, 1830. Il est mort dans cette dernière ville, le 6 juillet 1831.
De M. Joseph-Marie vicomte Pernety, lieutenant-général, conseiller d'état honoraire, baron de l'empire, né le 19 mai 1766, l'un de nos meilleurs officiers généraux d'artillerie ; il a fait avec distinction toutes les guerres de la république et de l'empire.
De M. Alphonse-Marie-Marcellin-Thomas Berenger, né le 31 mai 1785, membre de l'institut, de la chambre des députés, de la cour de cassation et du conseil général du département, l'un des magistrats et des hommes politiques dont la carrière laborieuse est sans cesse marquée par des écrits distingués et des travaux éminemment utiles. On lui doit : 1° Traduction des Novelles de l'empereur Justinien, 2 vol. in-4°, Metz, 1807 et 1811 ; elle complète celle de la grande collection des lois romaines par MM. Hulot et Tissot ; 2° Système théogonique des Parses, d'après le Vendidad-Sadé, les Jescht-Sadés, le grand et le petit Sirouzé, le Boun-Dehesch, etc., etc., ouvrages attribués à Zoroastre et qui composent la collection connue sous le nom de Zend-Avesta, mémoire lu à l'académie delphinale, Grenoble, 1812 ; 3° De la Religion dans ses rapports avec l'éloquence, discours prononcé en 1812, à la rentrée de la cour impériale de Grenoble, en qualité d'avocat général, brochure in-8°, Grenoble 1812 ; 4° De la Justice criminelle en France, d'après les lois permanentes, les lois d'exception et les doctrines des tribunaux, 1 vol. in-8°, Paris, 1818 ; 5° Cours de Droit naturel et des gens, fait à l'Athénée de Paris en 1819. Ce cours, qui fut interrompu par suite d'une perte douloureuse, prenait la science au point où Grotius, Puffendorff, Barbeyrac et autres publicistes l'avaient laissée, et marquait les progrès que la raison publique lui avait fait faire depuis un demi-siècle. 6° Discours prononcé (en qualité de président de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine) à l'assemblée générale de la société, le 29 mai 1833, en présentant à son approbation le projet des statuts destinés à la régir, brochure in-8°, Paris, 1833 ; 7° Premier Compte rendu des travaux de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine, brochure in-8°, Paris, 1834.
Comme organe des commissions de la chambre des députés, on doit aussi à M. Berenger de nombreux rapports sur les sujets les plus importans, et notamment : 1° Rapport sur le projet de loi relatif à une demande de crédit pour l'établissement des écoles secondaires ecclésiastiques (1828) ; 2° Rapport à la chambre des députés sur l'accusation des ex-ministres de Charles X (séance du 23 septembre 1830) ; 3° Exposé de l'accusation contre les ex-ministres de Charles X, discours prononcé à la chambre des pairs, en qualité de commissaire de la chambre des députés ; 4° Exposé de l'accusation contre les ex-ministres de Charles X contumaces, discours prononcé à la chambre des pairs en la même qualité ; 5° Rapport à la chambre des députés sur la proposition d'abolir la peine de mort (séance du 6 octobre 1830) ; 6° Rapport sur le projet de loi relatif à la constitution de la chambre des pairs (septembre 1831) ; 7° Rapport sur le projet de loi concernant les élections à la chambre des députés ;Rapport sur la demande d'autorisation faite par les moines de la Meilleraye, de poursuivre M. Casimir Périer, président du conseil ;Premier rapport sur le projet de loi relatif à la responsabilité des ministres et de leurs agens (avril 1833) ; 10° Second Rapport sur le même sujet (février 1834) ; 11° Enfin, plusieurs discours prononcés, soit à la chambre des représentans pendant les cent jours, soit à la chambre des députés sous les Bourbons et depuis la révolution de 1830, notamment sur la révision des listes électorales, en 1828 ; sur l'administration de la justice, en 1829 ; sur le jury, en 1833 ; sur les associations politiques, en 1834 ; sur le droit d'amnistie, en 1835, etc.
De M. Ignace-Jean-François Réalier-Dumas, né le 1er février 1788, membre de la chambre des députés et de la cour royale de Riom ; il est auteur d'un Mémoire sur la Corse, publié en 1819 et réimprimé en 1828 et 1834, et éditeur des Leçons données par Cujas à l'université de Valence, avec un commentaire en latin et une introduction en français, vol. in-8° publié en 1822. Comme député, il a prononcé plusieurs discours sur des objets d'économie politique, et notamment sur des changemens à opérer dans le tarif des douanes et la législation sur les boissons.
De M. Marthe-Camille Bachasson, comte de Montalivet, né le 4 floréal an IX (24 avril 1801). Il succéda, sous la restauration, à la pairie qu'avait eue son père, et se montra, dans la chambre de cette époque, un des plus zélés défenseurs des institutions constitutionnelles. Depuis la révolution de juillet, il a été deux fois ministre de l'intérieur, et une autre fois ministre de l'instruction publique. Il est aujourd'hui membre de la chambre des pairs, intendant général de la liste civile et membre du conseil général du département du Cher.
Et de M. Jules Ollivier, juge au tribunal civil, membre de la société royale des antiquaires de France, né le 24 février 1804, auteur des Essais historiques sur la ville de Valence, 1 vol. in-8°, Valence, 1831, et de plusieurs mémoires archéologiques insérés dans différens recueils.

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